Peut-on encore faire confiance aux journalistes spécialisés automobile ?
L’arrivée des voitures électrifiées est en train de largement modifier le contenu des essais automobiles. Depuis quelques mois, l’autonomie devient le principal (et de loin) sujet d’écriture. Et pourtant : si l’autonomie des « VE » est largement moindre que les essence et Diesel, les vrais clients vivent leur utilisation tout à fait normalement. Alors, que se passe-t-il ?
Ceux qui ne connaissent pas les voitures électriques ne parlent que d’un sujet : l’autonomie. Pourtant, les vrais clients oublient rapidement ce paramètre. L’affaire de deux ou trois semaines pour prendre certaines habitudes.
La première habitude, pour un conducteur qui répète les mêmes voyages, c’est de connaître son trajet habituel et de trouver son rythme de charge. Pour beaucoup, ce sera une fois par semaine, d’autres plus gros rouleurs, tous les trois ou quatre jours. Autant le dire tout de suite, si vous devez charger chaque jour (soit environ 250 km quotidien, le VE n’est pas encore fait pour vous, et pas forcément à cause uniquement de l’autonomie).
Les conducteurs de voiture électrique vous diront également qu’on ne conduit pas une VE comme un bon vieux Diesel. On roule différemment, en jouant avec la régénération, en ne touchant la pédale de frein qu’en cas d’urgence, en plaçant son pied différemment sur l’accélérateur… On ne conduit pas avec une boîte méca qu’avec une boite auto. La différence est encore plus flagrante avec une voiture électrique.
Et là, la plupart des journalistes sont en train de prouver qu’ils ne savent pas faire.
Des exemples précis ? Pour Automoto sur TF1, Jérôme Chont affirme qu’il n’a parcouru que 32 kilomètres en mode électrique avec DS 7 CROSSBACK E-TENSE 4×4.
Nous ne prétendons pas faire un concours pour leur prouver que nous sommes capables de faire mieux. Ça n’aurait aucun intérêt, à part de prouver qu’ils ne sont pas très bons dans ce domaine de la conduite… Mais l’idée n’est pas de montrer qu’ils ne sont pas très bons. L’idée est vraiment d’exposer qu’ils ne sont pas dignes de confiance.
L’Automobile Magazine affirme « Traverser la cité en mode 100 % électrique est un des plaisirs du DS 7 hybride. Mais l’expérience ne dure qu’une trentaine de kilomètres. »
On vous laisse vous régaler de ce tweet qui regrette le bashing sur DS (et PSA) face à Volvo… Mais le thème n’est pas là.
J’ose un parallèle aux voitures de sport. Il suffit d’assister à un essai sur circuit pour se rendre compte que les journalistes n’ont pas les notions essentielles du pilotage. Ça freine trop tôt et trop tard, ça ne sait pas gérer le dégressif et ça finit avec un grand sourire comme un gamin qui vient de découvrir quelque chose d’inédit ou par une moue ignoble pour commenter le sous-virage (forcément quand tu freines tard sans dégressif) ou un ESP trop castrateur (heureusement). Heureusement que, désormais, on fait appel à des pilotes à palmarès dans certains médias…
Donc si on ne joue pas à faire mieux que les meilleurs journalistes de France, comment peut-on remettre en cause la confiance envers eux ? Serait-ce uniquement parce qu’ils sont loin des données WLTP ? Ces mêmes données qui devaient être plus proches de l’utilisation réelle d’une voiture, par rapport à la norme NEDC ?
Oui, mais ce serait comparer un journaliste à une norme. Vous pourriez toujours juger de notre mauvaise foi.
Alors ?
Alors faisons un tour sur forum-auto.com pour suivre les feedbacks des premiers vrais clients. Pas de champions d’éco-conduite, pas des professionnels du WLTP. Non, juste le client final. Celui qui est conseillé par les journalistes spécialisés.
Commis17 dit :
Livré le 31 janvier dernier de mon DS7 e Tense, j’ai constaté la semaine dernière ne pas dépasser 40 à 45 Km en tout électrique. Hier, néanmoins, j’ai fait une virée de 41 km (trajet péri urbain), toujours en tout électrique, et au moment de recharger, l’écran m’indiquait 33 % restants, ce qui confirme que les 60 km sont atteignables.
AutoCro raconte :
Le problème est simple à poser : le trajet aller fait 72 km, dont 65 sur la RN21 qui est une route à deux voies, vallonnée avec peu de possibilités de dépassement et seulement deux courts créneaux à 3 voies où il est éventuellement possible de se dégager plus facilement. (mais un dimanche à 13h00, presque seul sur la route)
Arrivé sur place, j’avais à faire un petit aller/retour urbain qui s’est avéré faire 8 km en tout.
Le retour, c’est aussi 72 km, toujours essentiellement sur la RN21.
Pour résumer, surtout du 80 km/h, mais plusieurs traversées d’agglomérations à 50 | 30, et des passages à 70.
Donc, stratégie du jour : planifier le trajet sur le NAC comme le préconise la notice, et partir en mode Hybrid direct avec la fonction eSave réglée sur 20 km.
Après 5 km sur de petites voies communales qui ont été avalés en ZE, j’arrive sur la RN21, et dès la sortie du bourg en montant à 80 km/h le thermique a démarré. (et heureusement que le synoptique est là pour le montrer, parce que sinon…)
Tout s’est déroulé comme prévu jusqu’à l’arrivée ou il me restait bien mes 20 km d’autonomie élec.
Sur place, après récupération d’un passager supplémentaire, on repart pour 4 km en mode Electric, on s’arrête une petite heure, et même chose dans l’autre sens, 4 km et arrêt, toujours Electric.
Pour finir, la stratégie de retour avec 12 km d’autonomie électrique restante : définition de la destination sur le NAC, mode Hybrid et eSave 10 km.
(Je ne souhaite pas charger avec le thermique, c’est pas rentable, donc je demande une valeur eSave inférieure à mes 12 km d’autonomie)
En fait, si j’ai utilisé la fonction eSave au retour, c’est parce que je souhaitais terminer en ZE pour finir d’arriver à la maison, et j’ai eu le nez creux vu qu’en sortant du dernier gros bourg à 14 km du garage, il me restait toujours 12 km d’autonomie électrique avec ce que j’avais grappillé dans les descentes, et j’ai désactivé le eSave et sélectionné le mode Electric…
J’ai donc fait 14 km avec 12 d’autonomie affichée, et j’avais encore 2 km affichés devant la porte du garage, passage à 0 km une fois à l’intérieur !!!
Bilan de l’après midi selon l’ordinateur de bord :
152 km, 58 km/h et 3,9 l/100 km le tout avec un ratio ZE de 51 % !!
Tout ça pour un premier essai avec un moteur pas rôdé, j’étais plutôt content de moi. (Et de la voiture aussi !)
Que doit-on en déduire ? Que les journalistes roulent beaucoup « plus forts » qu’un client lambda pour réellement tester les capacités de l’auto ? OK, qu’ils parlent des 300 chevaux, 520 Nm et de la suspension pilotée, mais pas de l’autonomie… Quand une Chiron dépasse les 350 km/h avec plus de 1 000 chevaux, son autonomie de 15 minutes est anecdotique. L’autonomie doit se juger en condition normale d’utilisation. Point.
Un autre exemple ? Christophe Bourgeois qui écrit dans L’Auto-Journal au sujet de DS 3 CROSSBACK E-TENSE : « Pour bénéficier d’une régénération plus intense, il vous faudra jouer avec le sélecteur de position et le placer sur le mode B, pour Brake. Le freinage devient alors plus brutal, la conduite, saccadée. »
Vraiment ? Si vous conduisez une voiture électrique, vous savez qu’on ne conduit absolument pas de la même façon. Alors, évidemment, si vous levez complétement le pied à 70 mètres d’un feu tricolore qui vient de passer au rouge, vous allez « trop » décélérer et il va falloir accélérer à nouveau pour pouvoir aller jusqu’au feu. Ça s’appelle simplement « savoir conduire une voiture électrique » et ça devrait être un pré-requis lorsque l’on travaille pour L’Auto-Journal. Car oui, on parle bien de L’Auto-Journal qui se veut être LA référence en France, depuis des décennies. Un journaliste d’un tel magazine devrait être capable de « sentir » une foule de détail. Là, il trouve juste que c’est saccadé, car il ne sait pas la conduire.
Affirmer que DS 7 CROSSBACK E-TENSE 4×4 n’est capable de parcourir que 32 km en mode électrique ou que le mode Brake implique une conduite saccadée, c’est affirmer au monde entier qu’on ne sait pas faire. Et pour un journaliste spécialisé, c’est la preuve qu’on n’est pas digne de confiance.